Vous savez ce qui est génial dans l’Ingénierie Nucléaire ? Tout. Vous savez ce qui est génial dans l’Ingénierie Civile et Environnementale ? Rien. Quand vous vous êtes imaginé toute votre vie construire des accélérateurs à particule et que vous vous retrouvez à avoir pour perspective la conception de barrages et de digues, eh bien, on ne va se mentir, c’est un sacré coup au moral.
Lowell est l’exemple parfait de quelqu’un qui a tout et qui fiche tout en l’air parce qu’il a mauvais caractère et qu’il n’est pas capable de fermer sa gueule – ou, dans son cas précis, son ordinateur portable – au bon moment.
Il est sorti du lycée avec des notes exceptionnelles en sciences – il a toujours été une bille en histoire et en anglais, et son niveau d’espagnol est tellement mauvais que c’en est presque ridicule, mais il s’est rattrapé aux examens de fin d’année et son dossier a été accepté par l’une des écoles d’ingénieur les plus prestigieuses du pays, le MIT (Massachusetts Institute of Technology, vous gagnez deux points si vous saviez orthographier l’état sans vous planter dans le nombre de s et de t.) D’accord, il n’a pas obtenu de bourse pour aller y étudier, et a signé un prêt sur cinq ans à rembourser à sa sortie du Master, mais la banque n’était pas frileuse – elles le sont rarement avec les étudiants suffisamment brillants pour réussir à intégrer les universités de l’acabit de l’Ivy League.
Et le MIT, c’est la période de la vie de Lowell dont il se rappellera avec le plus de bonheur quand il sera vieux et qu’il passera ses journées sur le pallier de son pavillon avec une limonade, à prendre le soleil. Il est fait pour bosser dans un laboratoire, à modéliser des expériences et à établir des postulats ; il est premier de sa classe les deux premières années, est en passe de finir major de promotion à l’approche de la remise des diplômes.
Précisons que Lowell a un sens de l’humour particulier ; c’est une blague quand il pirate le serveur d’un des laboratoires Aerospace, une petite blague pour pimenter la fin d’année – d’accord, il a toujours eu une dent contre les chercheurs de ce laboratoire, il l’avoue. Mais apparemment, le piratage, même pour une petite plaisanterie insignifiante, un comportement absolument inacceptable dans une institution de l’excellence comme le MIT et même s’il parvient de justesse à décrocher son Bachelor – adieu, place de Valedictorian, adieu, discours devant ses camarades de promotion. Mais il n’est pas repris par le MIT pour le Master sur lequel il avait tant compté.
Il n’a pas non plus de lettre de recommandation – or, les Masters d’Ingénierie américains en exigent souvent au moins deux, voire trois, à joindre au dossier de candidature. Lowell a réussi à soudoyer – lire : supplier – l’un de ses anciens professeurs du MIT pour qu’il lui rédige une lettre de recommandation, mais elle ne suffit pas.
La banque, elle aussi, devient soudain poltronne – après trois années négociées parfaitement, le dérapage incontrôlé de Lowell s’est transformé en sortie de route, une cascade qui lui coûte cher.
Lowell est bien obligé de se rendre à l’évidence : adieu l’Ingénierie Nucléaire, et adieu les perspectives de retourner étudier de l’autre côté du pays. Sa situation précaire l’oblige à revenir chez ses parents, à Myrtle Beach – ce qui est humiliant, en dépit de son attachement à sa famille et à sa ville natale.
Malgré tout, il s’est particulièrement langui de la mer, des vagues, des bateaux – même si le MIT se trouve sur les bords de la Baie du Massachusetts, cette mer froide et inhospitalière qu’on aperçoit des docks n’a pas le même charme que les vagues tièdes et les catamarans de la Caroline du Sud.
Il s’inscrit à un cursus à distance à Norwich University en Ingénierie Nucléaire, et, parce qu’il ne veut pas risquer de finir perclus de dettes, décroche un job au country club de la ville. Il n’est ni masseur, ni golfeur professionnel, serait incapable de donner un cours de yoga même si ça va en dépendait, mais il est bosseur, se charge des travaux ingrats qui ne nécessitent pas forcément de diplôme – le service en salle, l’entretien des locaux et des jardins – et de ceux qui collent à son profil – tout ce qui y touche de prêt ou de loin à l’électronique.
Ca n’a rien de glorieux, mais il n’est pas oisif et il a au moins la prétention de gagner son argent à la sueur de son front – peu de personnes au country club peuvent en dire autant.
Qui sait, peut-être que construire des barrages est plus gratifiant qu’il n’y paraît…